Un
coup d’œil sur le Programme du Vice-recteur aux Affaires Académiques de l’UEH
Peu de jours après la tenue des
élections pour le renouvellement du Conseil Exécutif de l’Université d’Etat
d’Haïti (UEH), les débats autour de l’orientation à donner à celle-ci semblent
ne plus tenir. Plusieurs facteurs peuvent être à la base de cet étonnant constat dans la mesure où l’on sait que les
programmes des candidats élus n’étaient pas connus de tous -voire la communauté
universitaire- sinon les représentants des entités facultaires concernées et
quelques curieux intéressés par les stratégies et questions politiques rôdant
autour de la seule institution universitaire publique du pays.
En dépit de tout,
l’UEH doit être en mesure de fournir un enseignement scientifique répondant aux
besoins du pays et d’offrir des services à tous les secteurs de la société
haïtienne dans tous les domaines et champs du savoir. Cela doit
nécessairement passer par l'indispensable reconfiguration de l'enseignement supérieur dans son
ensemble. Le débat contradictoire doit être privilégié.
Eu égard à son souci d’engager ce débat,
« Les Cahiers de l’INAGHEI » se propose de publier les programmes des
candidats élus, notamment celui du Vice-recteur aux Affaires Académiques, Jean Poincy qui a jugé bon de s’attaquer au malaise institutionnel à l’UEH en proposant de faire de l'UEH la meilleure Université de la Caraïbe aux environs de 2050, à travers un programme de 50 pages - format word-. L’élu y a abordé plusieurs
points repartis en six (6) principales sections, à savoir :
- ·
Le malaise
institutionnel à l'Université d'Etat d'Haïti
- ·
Les tares de l’actuel
système académique
- ·
Vers un régime
académique commun
- ·
Plaidoirie du nouveau
système
- ·
De
l’opérationnalisation du RAC à l’UEH
- ·
L’appropriation du
système de crédit
- · Le système accompagnateur
Etant
donné l’aspect volumineux du programme, nous vous invitons à le consulter à travers une série de publications y
relatives … C’est ainsi que nous publions les trois premiers points ci-dessous :
Jackson
MERINOR,
Rédacteur
en Chef de « Les Cahiers de l’INAGHEI »
Contexte
Souffrant
déjà de l’incapacité financière et technique de faire face aux différents défis
socio-économiques, Ayiti voit son extrême fragilité s’amplifier avec la
pandémie de Covid-19 qui fait fléchir le monde entier. Si les pays les plus
riches avec des technologies de pointe s’avèrent impuissants dans leurs quêtes
d’endiguer cette crise sanitaire, aucune opportunité ne semble se dessiner à
l’horizon pour le pays qui dépend toujours des assistances étrangères de tout
genre afin de faciliter la survie de plus de 11 millions d’habitants. En dépit
de tout, l’espoir de trouver des issues vers un mieux-être n’est pas nul parce
qu’il existe des centres d’enseignement supérieur et de recherche, à l’instar
de l’Université d’Etat d’Haïti (UEH), capables de paver des pistes de solutions
pour y arriver.
Bien
que dans une situation financière précaire, en raison des maigres budgets
alloués, l’UEH, une entité de l’Etat, doit s’aligner en premier rang pour
accompagner le pays dans sa quête de bien-être collectif, par la préparation
des cadres compétents et compétitifs pouvant faciliter la gestion des affaires
collectives, la conduite de la recherche devant permettre de mieux appréhender
et résoudre les problèmes survenus, et les services rendus à la communauté pour
harmoniser le vivre-ensemble.
Toutefois,
il est à constater que l’UEH n’arrive à faire ni l’un ni l’autre à
satisfaction. Si elle accueille chaque année un peu plus de 2500 bacheliers,
elle peine à en faire sortir moins d’un quart de ce nombre en fin du cycle
d’études de 4 ans avec licence en mains. Quant à la recherche et au service à
la communauté, le terrain est sévèrement marqué par son aridité. La pandémie
actuelle est bien révélatrice de ses failles. En effet, elle est pratiquement
invisible dans le bassin des propositions que la société pourrait utiliser à
bon escient. Cela tant au niveau de planification, de gestion, de santé,
d’économie et de production alimentaire etc.
S’il
faut trouver une cause à cette défaillance, il sera trop facile de dire que
l’allocation budgétaire n’est pas suffisante pour écarter la mauvaise gestion
académique amputant l’UEH d’un système de gestion académique moderne et
l’utilisation inefficiente des fonds alloués mais déjà insuffisants. Ce
faisant, pour ce qui concerne la préparation desdits cadres, il importe de :
1) Faire
un état du malaise institutionnel qui explique la difficulté de l'UEH dans ses
efforts d'accompagner le pays en quête d'un mieux-être.
2) Les
tares de l’actuel système académique
3) Un
régime académique commun
4) Plaidoirie
du nouveau système
5)
Vers un Régime
Académique Commun à l’UEH
6) L’appropriation
système de crédit
7) Le
système accompagnateur
1 : Le malaise institutionnel de l'Université
d'Etat d'Haïti
Un
mal institutionnel gangrène l’UEH et fait déprécier le prestige académique dont
elle jouissait dans le temps au même titre que les autres universités du monde.
Ses diplômes qui auparavant étaient favorablement reçus ailleurs, subissent
aujourd’hui une évaluation microscopique pour soupeser la formation académique.
En effet, la formation académique inadaptée aux besoins actuels des sociétés et
les méthodes pédagogiques surannées comme véhicule de transmission du savoir
enlèvent toute crédibilité placée en elle, et les diplômes non uniformisés
issus de ses facultés sont remis en question pour renforcer l’inquiétude
générale. Au regard de la situation sanitaire actuelle coupant court tout
processus d’enseignement en présentiel, elle est incapable d’assurer l’enseignement
en ligne pour non seulement terminer l’année académique mais aussi dans le
futur dans la mesure où la Covid-19 y sera encore quelques selon certaines
prédictions. Tout cela qui est imputable à la difficulté d’adaptation
de l’UEH aux pratiques modernes de l’enseignement universitaire.
La
structure institutionnelle de l'UEH révèle une absence d'homogénéité
constituant un obstacle à sa bonne marche. Ses difficultés de gestion sont
intimement liées au défaut d'une relation hiérarchique des normes de
fonctionnement entre l'unité administrative centrale, qui est le rectorat, et
les facultés qui forment l'université. Si depuis plus de deux décennies il existe
des dispositions transitoires devant faciliter sa réforme, un règlement de
fonctionnement unifiant toutes ses entités fait grand défaut.
Ayant
vu le jour l'une indépendamment de l'autre et fonctionnant pendant un nombre
d'années en absence d'un organe administratif commun, outre les principes
fondamentaux leur donnant naissance, il est normal que chaque faculté développe
une certaine culture de fonctionnement propre à elle. La décision sage de
l'Etat de tirer ces entités de leur hétérogénéité pour les rassembler en une université
et former l'UEH n'a jamais pu neutraliser jusqu'à présent l'effet de
morcellement de celle-ci en des entités distinctes l'une de l'autre.
Concrètement,
pendant que pour une université on devrait parler d'un règlement de
fonctionnement standard commun régissant les activités académiques et d'une
structure organisationnelle semblable, il est question d'une diversité de
règlements et de structures organisationnelles. Il y a autant de règlements de
fonctionnement et de structures organisationnelles que de facultés.
Pourtant, celles-ci, même différentes d'une faculté à l'autre avec des doyens
et vice-doyens, directeurs et coordonnateurs, reflètent à peu près la structure
organisationnelle de l'unité centrale de gestion avec les trois membres
constituant le corps exécutif composé du recteur et de deux vice-recteurs.
Cette
configuration organisationnelle, bien que similaire dans une certaine mesure,
dévoile des règlements de fonctionnement propres avec une tendance vers le
détachement de l'unité administrative centrale plutôt que de son rapprochement.
En
effet, chaque faculté a sa propre manière de gérer ses activités académiques et
souvent outrepasse les décisions académiques émanées de l'unité centrale de
gestion. Un tel comportement fait abstraction de la nécessité d'une
gestion constante de l'académique d'une université. Si l'autonomie financière
accordée à l'UEH était perçue comme un moyen de freiner la dictée de l'Etat,
elle est loin d'être l'outil d'autorité permettant à l'unité centrale de gestion
d'assurer la gouvernance universitaire.
De
toute évidence, les facultés échappent à l'emprise de l'unité centrale de
gestion et ont le pouvoir de suivre ou de ne pas suivre les directives de
celle-là, pour conduire à sa guise la gestion académique. La résultante est un
effet d'absence d'autorité descendante sur toute la pyramide de commande tant
au niveau administratif qu'au niveau académique. Les professeurs et le personnel
administratif ne suivent pas les normes établies par le décanat ou la direction
d'une faculté, et de l'autre la majorité des étudiants ne respectent pas ces
derniers et se comportent comme ils le veulent. En retour, les
décisions prises par une faculté qui, suite à des litiges, devraient être
validées par l'unité centrale sont souvent restées pendantes.
Cette
atmosphère de gestion universitaire génère des effets pervers pouvant
compromettre la formation académique des jeunes et hypothéquer simultanément
l'avenir du pays. Il est certain que le souhait de tous ceux qui sont impliqués
dans la gestion de l’UEH est de reprendre l’étendard de l’enseignement
supérieur d’antan quand la formation académique valait son pesant d’or sur le
marché international de l’enseignement supérieur. Une réalisation qui sera
pourtant difficile avec des perspectives divergentes de la modernisation de
l’université.
Pour
relancer l'UEH, les acteurs doivent s'accorder pour harmoniser leur
fonctionnement ou les adapter à une vision académique nettement définie en
fonction des besoins et de la réalité du pays. Le problème institutionnel étant
posé, la stratégie d’élever l'UEH au rang des universités du premier monde et
faire d’elle la meilleure université de la Caraïbe dès 2050 est payante.
Pour ce faire, la volonté de coopérer doit être présente chez l'équipe choisie
par la communauté de l'UEH.
Le
malaise institutionnel de l’UEH identifié engendre des tares dans le système
académique, lesquelles risquent de rendre impossible le saut vers 2050 si elles
ne sont pas éliminées. Elles vont du/de :
2.1 : du concours
d’admission qui ne répond plus aux attentes du pays ;
2.2 : des pratiques
pédagogiques désuètes ;
2.3 :de la gestion
académique actuelle inefficiente ;
2.4 :au mémoire comme
ralentisseur du taux de diplomation.
La
nécessité de passer au nouveau système de gestion académique porte à identifier
et comprendre les difficultés occasionnant l’échec du système académique
actuel. Ce sont :
2.1 : De l’échec du concours d’admission à
l’UEH
Il
ne s’agit pas simplement de réformer le système académique de l’UEH sans
s’assurer que les cadres formés sont compétents et que la formation académique
est compétitive tant sur le plan national qu’international. Cette condition
répond au processus de recrutement des étudiants qui sollicitent une formation
universitaire. Etant une université publique qui accueille des bacheliers, il
importe que les meilleurs postulants soient recrutés pour garantir la quête de
l’excellence académique. Jusqu’à présent, le seul recours de l’UEH est la
tentative de recueillir la crème de la population estudiantine par un concours
d’admission.
Un
processus douteux dont la qualité et le sérieux sont entachés d’irrégularités
au niveau d’un nombre de facultés. En conséquence, les résultats escomptés ne
sont jamais au rendez-vous. Les moins bons y accèdent en plus grand nombre
pendant que les meilleurs quittent le pays pour trouver ailleurs une meilleure
formation que ce que l’UEH et ses paires peuvent offrir. Cela fait que l’UEH se
retrouve avec des étudiants issus du cycle fondamental qui ont beaucoup de
lacunes. S’accrochant à un système de gestion qui défie toute logique
académique, ne tenant pas compte des failles des nouveaux universitaires et
n’ayant pas un mécanisme de correction, il érige une barrière empêchant le
développement de leur potentiel académique.
Dès
l’année préparatoire qui apporte un enseignement inapproprié, le système
expulse certains admis en fin de période pour provoquer un gaspillage de
ressources. Comment rationnellement admettre un étudiant pour l’exclure du système
au bout d’un an après avoir alloué beaucoup de ressources à sa formation ?
Une telle mesure serait justifiée, si et seulement si la compétitivité
académique était un critère de réussite à l’UEH ; mais ce n’est pas le
cas.
Ce
même étudiant est permis de réintégrer le système par le concours d’admission
avec tout le risque d’être renvoyé à nouveau si la chance ne lui sourit pas. En
outre, cette année cruciale à la réussite universitaire est faussement
consacrée à l’introduction de certains cours, alors qu’elle devrait être dédiée
à inculquer aux étudiants de solides techniques d’apprentissage, d’accumulation
et de traitement de connaissances, et de communication.
2.2 : Des pratiques pédagogiques désuètes
Dans
certaines facultés, les cours dispensés s’étalent sur toute l’année académique,
et s’accompagnent de quelques rares devoirs et évaluations pour marquer le
laxisme et l’absentéisme de certains professeurs. Ce qui ralentit le processus
d’apprentissage et d’accumulation de connaissances. On croit le compenser par
un nombre de cours allant de six à dix sur une même période. A cette
déficience, s’ajoutent l’inexistence de supports didactiques et le manque
d’évaluations appropriées.
Les
notes de cours dictées par les professeurs sont utilisées comme le seul outil
de référence ou de travail, et la récitation mot par mot se substitue à une
épreuve de compréhension ou d’analyse. Contrairement, la prescription de la
méthode moderne d’enseignement donne préférence à l’usage d’un manuel de cours
à suivre simultanément par les professeurs et étudiants, et à des exercices
capables de faire ressortir l’apport personnel des étudiants.
Dans
ce cas, il y a lieu de questionner la qualité de la formation, quand on sait
que le rôle des professeurs est de guider les étudiants vers des connaissances
spécifiques à acquérir, et de les évaluer sur ce qui est vu et discuté en
classe. Reconnaissant l’importance d’un support didactique dans un cours et au
lieu d’exiger des étudiants l’utilisation d’un manuel de cours, certains
professeurs ajoutent aux dictées de notes une liste bibliographique dont la
majorité des ouvrages sont introuvables. Déjà que les bibliothèques existantes
sont très pauvres, les étudiants, qui n’ont jamais acquis les techniques
d’apprentissage et d’accumulation de connaissances, s’égarent avec une telle
liste sur les grands boulevards de la connaissance.
2.3 : D’une gestion académique irrationnelle
Structurellement,
les facultés s’isolent l’une de l’autre et de l’unité administrative centrale
(UAC) qui est le rectorat. Si l’université se compose de facultés, elle doit
fonctionner avec des procédures uniformes que chaque faculté embrasse et
reflète en dépit de leur différence relative au domaine étudié. L’inexistence
de telles procédures pousse chaque faculté à formuler son propre régime pour se
croire une université dans l’université et fonctionne en parfaite autonomie du
rectorat. Une décision du rectorat est prise en compte par une faculté que
quand elle lui est favorable ; dans le cas contraire, elle n’a aucune
valeur. Le seul moment où il semble avoir un brin de cohésion est au niveau des
allocations budgétaires ou quand il faut résoudre une crise académique au sein
d’une faculté.
Un
autre inconvénient relatif à la gestion académique est l’incapacité de l’UEH
d’absorber plusieurs milliers de bacheliers venus du cycle secondaire. Avec 100
ou 200 admis par année suivant la faculté, le nombre accueilli ne peut pas
aller au-delà de 2500admis. On a tendance à attribuer cette faiblesse à une
carence d’espace assimilée à l’absence d’un campus commun. Pourtant, elle est
liée à l’inaptitude de gérer un flux d’étudiants dont leurs activités seraient
réparties dans des facultés éloignées l’une de l’autre.
2.4 : Du mémoire comme ralentisseur du taux de
diplomation
Depuis
quelque temps, le nombre de diplômés qui est l’un des critères de performance
du système d’enseignement indique sa nette déchéance. Il est regrettable que la
non-disponibilité des données, due à l’inexistence d’un système rationnel ou
moderne de gestion d’informations, ne permette pas d’avancer un taux annuel de
diplômés. Sans vouloir dire que celui-ci est négligeable, il est difficile de
faire une évaluation comparative annuelle pour déterminer s’il y a progrès ou
pas. Toutefois, les faits constatés dénotent un grand nombre d’étudiants
finissants coincés dans le système, à cause d’un mémoire qu’ils n’arrivent pas
à rédiger, pour former un goulot d’étranglement qui ralentit la vitesse de
sortie des promotions.
Le
fait de n’avoir pas comblé les lacunes, ni acquis pendant tout le cycle aucune
technique d’acquisition, de traitement des connaissances, de communication, et
d’autonomie académique, ils sont perdus dans le labyrinthe académique. Il leur
devient impossible de produire un travail reflétant un apport personnel avec
toutes les rigueurs académiques que cela exige. S’ils ne trouvent pas un
directeur de mémoire à qui ils doivent payer pour la rédaction du mémoire, ils
vont rester dans le système sans y sortir. Considérant les conditions pauvres
de nombreuses familles et de la faiblesse académique et administrative de
l’UEH, beaucoup croupissent dans le premier cycle pendant des années sans
pouvoir décrocher leurs diplômes.
Pendant
que l’UEH fait du mémoire un pilier de son système d’évaluation, elle n’a pas
mis au point des structures pouvant accompagner les étudiants. Si le mémoire
est considéré comme un exercice d’apprentissage à la recherche, il suffit de
demander si tous les étudiants sont intéressés à devenir chercheurs ou
simplement intégrer le marché du travail. A cette question, le cursus des
facultés serait taillé de manière telle à leur permettre d’orienter leurs formations
suivant leurs aspirations.
C’est
un gaspillage de temps et de ressources pour certains d’entre eux et pour l’UEH
qui impose le mémoire à tous. En regard à tout ce qui se fait ailleurs, on peut
aller plus loin pour questionner la nécessité même du mémoire au niveau de
licence où l’étudiant encore dans le processus d’apprentissage des
connaissances n’a aucune maturité académique. Un tel travail est aujourd’hui
reporté au niveau post-gradué pour être remplacé par des rapports courts qui
mettent l’emphase sur l’organisation de la pensée, l’analyse, la cohérence et
la créativité, la clarté et la simplicité de la communication.
3 : Vers un régime académique commun
Etant
l’épine dorsale d’une université, un système académique inadapté complique la
préparation des citoyens cadres devant accompagner la société dans sa quête de
bien-être. Ce serait une faille qui fragilise le socle de la noble fonction de
recherche consistant à aider la collectivité à mieux appréhender la complexité
du vivre-ensemble. Si l’utilité académique, qui donne un sens à l’existence d’une
université, tombe en désuétude, elle cesse d’être le véhicule d’une
transmission cohérente de connaissances capables de répondre aux besoins de
renouvellement de la société.
En
conséquence, aussi justes que puissent être certaines initiatives y relatives,
elles ne peuvent se mesurer à l’aune des besoins de la collectivité. L’académique
étant à la traine, la recherche comme corolaire dans le système universitaire
est devenue un électron libre et semble insignifiante aux causes collectives. Cette
incohérence fragmente la structure organique inhibant le fonctionnement
systémique d’une université.
Tombé en panne, le système des vases communicants,
qui naturellement existe entre l’académique et la recherche consacre l’échec
d’une université dans ses fonctions accompagnatrices. La
conséquence immédiate est l’incapacité de mettre au service de la collectivité
une promotion suivant un cycle régulier. Les citoyens cadres s’éternisent dans
le circuit avec une formation académique au rabais, et convertissent leurs
études universitaires en profession pour ne jamais se rendre utiles à la
société.
C’est
un coût irrécupérable et inacceptable pour toute une collectivité qui
supportent et assurent leur formation académique. C’est un terrain marécageux
où s’enlise l’UEH au moment où le reste du monde s’engage dans un processus de
standardisation internationale du système académique. L’Europe a pris le train
avec le système LMD (Licence, Master ou Doctorat) pour se mettre au diapason du
système anglo-saxon pour ne pas dire celui de l’Amérique du Nord.
Reconnaissant
l’académique comme un catalyseur dans l’existence d’une université, il convient
d’y œuvrer pour redynamiser l’UEH et lui permettre de de se repositionner sur l’échiquier
du monde universitaire. Dans cette perspective, il faudra repenser le système
académique et mettre au point un Régime Académique Commun (RAC) auquel
seront soumises toutes les facultés pour concrétiser la vision de 2050. Lequel
aura pour socle un système de crédit propre à l’enseignement supérieur Ayitien.
Il devra être conçu de manière à être facilement convertible aux autres
systèmes académiques prédominant dans le monde. L’adoption dudit
système permettra de préserver l’université dans son ensemble tant au niveau de
la structure administrative, des curricula, que de son mode de fonctionnement.
Comme
l’enseignement académique est une fonction fondamentale d’une université, il
doit faire l’objet d’une attention soutenue pour l’adapter et répondre à une
réalité sociétale dynamique. Ce faisant, le contenu de la formation doit être
inspiré de la réalité Ayitienne, et supporté par des théories universellement
acceptées et appliquées avec succès pour le mieux-être de l’espèce humaine.
Aussi
justes et rationnels que les choix du contenu puissent paraître, une charpente
administrative défaillante ne permettra pas de les opérationnaliser à leurs
fins. En conséquence, il faut toujours une architecture administrative
appropriée, laquelle supporte un circuit de fonctionnement devant rendre fluide
le processus d’exécution. Tels sont des principes élastiques reflétant un
tâtonnement rationnel face aux nouvelles initiatives jusqu’à l’établissement
des procédures correctes et leur standardisation.
Le
résultat escompté est un regain de vitalité de l’académique via l’amélioration,
le renforcement et l’adaptation des programmes de licence ou autres dans le
court terme, la conception et le renforcement des programmes post-gradués dans
le moyen terme et le long terme. Tout cela pour faire de l’UEH une université
phare capable d’aider à bien comprendre la nature des problèmes
socio-économiques que confronte le pays, d’accompagner les responsables dans
leurs efforts de les résoudre sans heurt, et de préparer des citoyens cadres
responsables comme support technique pouvant assurer une bonne gestion future
des affaires de la société et aussi de s’égaler à leurs pairs du reste du
monde.
La philosophie derrière
le RAC
Toute
formation universitaire doit répondre aux modes de fonctionnement et de
production d’une société. Les curricula doivent être conçus en conséquence,
mais avec une facilité d’adaptation au cours évolutif de la société. Etant
donné que tout tourne autour des problèmes à résoudre pour favoriser l’harmonie
de la vie collective, et que ce sont des problèmes humains, les solutions
s’avèrent universelles, malgré les différences contextuelles. Par
exemple : pourvoir de la nourriture à une collectivité, organiser le
territoire pour une distribution optimale de l’espace et résoudre les conflits
de groupes ont toujours été des préoccupations majeures du genre humain depuis
son existence.
Donc,
la nécessité d’une solution est pareille dans toute société, mais dans un
contexte différent qui fait appel à une approche appropriée. Ce qui laisse
entendre que l’affaire d’une société est aussi celle des autres ou la solution
pour une société est aussi celle pour d’autres ; il suffit de les mettre
en contexte. De par cette logique, un individu qui a reçu une formation
universitaire doit non seulement être fonctionnel dans sa propre société, mais
aussi dans celles des autres moyennant une adaptation rapide. Il va sans dire
que l’université le forme pour sa société et pour le reste du monde tout en
l’entraînant à développer sa capacité de réflexion et d’analyse avec un esprit
critique.
Partant
du principe de l’universalité des problèmes et des solutions des sociétés,
concevoir les formations universitaires suivant les problèmes de sa société
n’isole en aucun cas l’individu sur l’échiquier mondial. Déjà, les
connaissances à prodiguer sont celles qui ont aidé d’autres sociétés dans leur
évolution. Il faut simplement les adapter à la réalité locale. Pourquoi les
principes de production dans une économie devraient être différents d’une
société à l’autre ? Pourquoi les principes d’organisation de la
collectivité devraient être différents d’une société à l’autre ?
Les variantes qui peuvent être notées
sont au niveau de la forme et ne portent aucun préjudice à l’universalité de
ces principes. Nécessairement, les curricula d’une université à l’autre ne vont pas
être fondamentalement différents. Par contre, la connaissance théorique acquise
par tout citoyen du monde subit une réinterprétation ou une réorientation
épousant la réalité de chaque société, mais l’essence demeure.
Dans
cette perspective, le cursus doit:
Ø avoir
un contenu qui, reflétant les principes universels, permet de mieux comprendre
et résoudre les problèmes humains ;
Ø tenir
compte de la réalité locale et de celle du reste du monde par extension.
Une
telle philosophie ne peut que :
Ø rendre
dynamique la formation universitaire à l’UEH ;
Ø mieux
assister la société dans sa quête de bien-être et de progrès ;
Ø maintenir
une course compétitive vis-à-vis de n’importe quelle université.
Pour
ce faire, la vision est de :
Ø faire
de l’UEH sur l’échiquier la meilleure université de la Caraïbe dès 2050 ;
Ø former
des cadres compétents et compétitifs tant sur le plan national qu’international ;
Ø mettre
le système académique de l’UEH au service du pays.
Tout
en répondant aux besoins des secteurs public et privé du pays, l’UEH s’assurera
d’un niveau compétitif au même titre que n’importe quelle université du nord. Dans
le court terme et le moyen terme, ce sera possible par la refonte du cursus ou
la restructuration du système académique pour élargir la base de la formation
prodiguée. Le support approprié, qui sera pourvu aux populations
académique et administrative, légitimera les exigences et rigueurs nécessaires
au renforcement académique du degré de licence. Ce sera le tremplin pouvant
lancer les étudiants vers les niveaux de master et de doctorat dans tous les
domaines d’études.
Etant
aujourd’hui dans une course régressive, sans une vision académique moderne et
pratique, elle a du mal à reprendre son souffle pour se défier. Ainsi,
elle offre une formation universitaire au rabais à des générations successives
sur une durée de cycle d’études atypique étalée souvent sur dix ans. De
telles circonstances hypothèquent l’avenir des étudiants et retardent en
conséquence le progrès socio-économique auquel aspire la société Ayitienne.
Persister dans cette voie risque de conduire l’UEH vers une nette disparition
pour suivre le cours naturel de toute organisation qui ne se renouvelle pas.
L’émergence
des universités privées dont certaines s’évertuent à se créer une place dans le
monde universitaire et la réticence de l’Etat à financer les activités de l’UEH
rendent très probable ce triste sort sans un effort de la repenser dans ses
dimensions administrative et académique. Pour se pérenniser, elle doit divorcer
d’avec la pratique courante en reprenant son leadership au sein du système
d’enseignement supérieur du pays. La stratégie prônée est la refonte du
système académique actuel dans son ensemble tant au niveau de son cursus, de sa
structure administrative que du mode de sa gestion.
Jean POINCY,
Vice-recteur aux Affaires Académiques de l’UEH
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