De l’émancipation sexuelle à l’égalité. Quelle erreur stratégique: quand les féministes s’illusionnent
De
l’émancipation sexuelle à l’égalité.
Quelle erreur stratégique: quand les féministes s’illusionnent
Quelle erreur stratégique: quand les féministes s’illusionnent
La nation
haïtienne émergée des grandes luttes révolutionnaires (1791-1803) s’est
construite sur une série de crises. Lesquelles connaissent des variations dans
la forme et s’amplifient de plus en plus suivant les contextes historiques. Ce
qui incite certains penseurs à qualifeir Haïti de société de crise. Celle-ci s’y
présente à tous les niveaux, politique, économique, culturel, etc. C’est ainsi
que nous pouvons parler également, pour utiliser l’expression de Ivekovic
(2001), d’une crise du régime des rapports sociaux de sexe en Haïti qui, à
chaque moment, se métamorphose sous la dictée des enjeux du contexte. A cet
égard, nous constatons depuis quelques temps certaines
pleurnicheries dans les medias, les réseaux sociaux,… qui favorisent
l’émergence d’un certain féminisme. Celui-ci se fait connaitre par de nombreux
moyens,principalement, à travers des conférences et des festivals dont le
point angulaire reste l’égalité de sexe en passant par une émancipation
sexuelle.
Autrement dit,
cette dernière étant conçue comme la phase primaire qui débouchera sur
l’égalité tant souhaitée. S’il est bien vrai que son constat est louable, à
savoir l’existence d’une domination masculine (Bourdieu, 2002) qui invisibilise
la catégorie féminine, les pistes de solutions de
ce mouvement sont à réviser. Car, ces dernières laissent comprendre que le
féminisme ne rend pas compte de la dimension relationnelle du social. Il faut
donc une analyse systématique des rapports sociaux de sexe pour une
compréhension intelligente décelant les mécanismes de production de cette inégalité qui
pourrait subvertir les structures de cette domination. A cette fin, certaines
interrogations sont à soulever : Quel est le fondement de la domination
masculine ? Quels en sont ses
mécanismes de reproduction ? Où et comment l’attaquer pour la supprimer ?
Domination de
sexe: un principe d’indifférenciation
Toute domination,
entendue comme activité sociale au sens wébérien du terme, nécessite en un
certain sens la complicité des dominés.ees y intégrant ses termes qui donnera
lieu à un rapport de commandement et d’obéissance à travers l’intériorisation
de ses schèmes de
perception. Il s’ensuit ainsi que le féminin se voit aux lunettes du masculin,
qu’il s’efforce bon gré mal gré de plaire à ces derniers.
Le féminin comme être perçu.
Ainsi, cette catégorie minorisée joue un rôle intéressant dans l’actualisation de la vision andro-phallocentrique caractérisant la société haïtienne et la mettant au second rang. A y regarder de près, le féminin haïtien occupe la part la plus importante de la sphère économique du pays (Doura, 2018). Pour être plus clair, l’économiste poursuit : "Pilier de l’économie haïtienne, la femme souvent seule à faire vivre une famille entière, exerce toutes sortes de petits métiers. Outre l’agriculture, elles sont couturières, brodeuses, femmes de chambre. L’économie du pays repose sur le courage de ces femmes (Doura, 2018, c’est nous qui soulignons)".
Le féminin comme être perçu.
Ainsi, cette catégorie minorisée joue un rôle intéressant dans l’actualisation de la vision andro-phallocentrique caractérisant la société haïtienne et la mettant au second rang. A y regarder de près, le féminin haïtien occupe la part la plus importante de la sphère économique du pays (Doura, 2018). Pour être plus clair, l’économiste poursuit : "Pilier de l’économie haïtienne, la femme souvent seule à faire vivre une famille entière, exerce toutes sortes de petits métiers. Outre l’agriculture, elles sont couturières, brodeuses, femmes de chambre. L’économie du pays repose sur le courage de ces femmes (Doura, 2018, c’est nous qui soulignons)".
Chose logique,
dans une économie où l’étendue des activités formelles reste très limitée, et de
plus celles-ci sont déjà saturées d’hommes grâce à la vision générée des secteurs
d’activités économiques de la société) car elles sont beaucoup plus nombreuses
dans le secteur informel qui comptabilise fortement le revenu national; et de
plus, elles sont de plus en plus éduquées grâce à une sorte de libéralisation
de la scolarité ces derniers temps.
Pourtant, elles
succombent encore sous le joug de l’ordre masculin où celui-ci définit les
enjeux du jeu. Il n’est pas exagéré d’affirmer que Price Mars (1919) a mal posé
le problème du genre, et meurt par conséquent sans
même voir un jour ses femmes de demain, en pensant le résoudre sous des angles économique
et éducationnel. Car il est très difficile, d’une part, pour qu’une catégorie
marginale sorte victorieuse dans un jeu où elle n’avait pas participé
à la logique d'élaboration; et d’autre part, comment d’ailleurs une éducation
apprendrait réellement au féminin le sens de l’émancipation alors ce qu’elle est déjà
connotée sexuellement ? N’assiste-t-on pas déjà ainsi à une éducation qui exige
au féminin l'obéissance et la soumission au masculin ?
Le féminin joue
sur les deux terrains : tant sur la sphère de la production que sur celle de la
reproduction qui est sa principale tâche, dévolue par la division sexuelle du
travail. Donc, on comprend que le travail du féminin en Haïti est double : Car,
c’est lui qui performe dans les activités d’entretien domestique comme la prise
en charge des enfants, la cuisson des mets, la lessive, l’administration
courante du budget familial, etc., d’un côté, et de l’autre côté qui est
présent dans les jardins pour l’arrosage, dans les marchés pour
les ventes des récoltes, etc. Qui pis est, il y a des
cas où le féminin est le seul à s’occuper de toutes les taches : piochage
des herbes, ventes des récoltes en même temps qu’il prenne soin de la
maison. Cette situation n’est pas différente pour
le féminin de la ville car l’idéologie de l’ordre dominant traverse tous les
espaces de la société, rural ou urbain. En ce sens Mireille Neptune nous a fait
montre d’une éclairante analyse à propos du travail des femmes ( le sous-titre
de son ouvrage, l’autre moitié du
sous-développement publié en 1987) par ce qu’elle appelle une économie
politique de reproduction en faisant apparaitre la capacité du féminin à
prendre la relève en absence du masculin au moment de sa
migration en ville. Autrement dit, elle fait ressortir l’énormité du travail du
féminin tant dans l’accomplissement des tâches domestiques que celles économiques.
Pourtant, cette catégorie est et reste encore marginalisée. Et pourquoi ?
Ainsi elle propose de
réviser le contrat de sexe en Haïti qui donne toute la bagatelle de privilèges
au masculin. Mais comment ? Constatant déjà les efforts dans certains secteurs
de la société pour la libération du féminin. Il faut
donc vite comprendre qu’il ne s'agit pas de
subvertir l’ordre sexuel existant isolément à partir d’un domaine de la société.
S’il était ainsi, cette libération tant recherchée serait déjà trouvée.
Et le féminisme
actuel ?
Nous comprenons
maintenant qu’ébranler l’ordre de l’andro-phallocratie ne se réside pas
uniquement dans une simple accumulation d’avance dans certains domaines sociaux
(économie, politique, culture, etc.) mais doit être le produit d‘un nouveau mode
de structuration. Et le féminisme
d’aujourd’hui, où en est-il ? Cette sorte
de féminisme revendiquant l’égalité entre les deux catégories. Chose louable. Mais
le point critique c’est qu’il conçoit cette égalité en passant par une
émancipation sexuelle dans une société où la sexualité est elle-même réprimée et
les femmes sont minorisées. Entendons-nous tout d’abord sur les termes de
l’émancipation sexuelle. Celle-ci peut être comprise au moins de deux manières
: l’une radicale et l’autre réformiste. La première perspective consiste. à
concevoir les sexes et les genres comme des catégories socialement construites
et ce, pour supprimer la domination, il faut d’abord supprimer ces catégories
(J. Butler, P. Bourdieu, E. Dorlin...). L’autre s’appuyant sur la dimension
biologique (et déjà une biologie de classifiation binaire et andro-centrée) des
sexes les prend pour
naturelles et s’enlise dans des luttes pour l’égalité entre eux. Par-là, on
comprend que le mouvement féministe actuel est loin d’être de la première
tendance, tout simplement parce qu’il lutte pour l’égalité entre le masculin et
le féminin. Il prend pour acquis l’existence des deux sexes. Epiant la
structure des rapports sociaux de sexes en Haïti, on comprend que la sexualité
porte les valeurs de la domination masculine.
Le masculin possédant une quantité de féminins se voit récompensé d’un prestige
lui collant une promotion sociale.
Pourtant, même le
féminin le plus réfractaire sait très bien que son prestige
réduit à chaque nouveau partenaire. En effet, comment
s’effectuerait cette égalité par la sexualité ? Nous affirmons de ce point de
vue, c’est de plus aggraver la situation du féminin haïtien. Il serait
doublement marginalisé et encore plus aliéné de la morale masculine: d’être
féminin et de plus d’être reconnue en relation avec beaucoup de masculin.
En effet, la domination
ne tarirait pas par de simples changements sans profondément attaquer à la base
les termes des rapports sociaux entre de sexes. D’ailleurs n’assiste-on pas à
de nombreuses mutations dans
les pratiques sexuelles, les choses restent pourtant inchangées. Par exemple,
certains schémas dichotomiques haut/bas, virile/sensible, sec/mou, etc… où le
masculin a les termes forts, les premiers,
influencent les relations sexuelles : pourtant contrairement aux temps passés,
les féminins se positionnent en haut dans les relations sexuelles.
De la double
dimension de la domination
La domination de
masculin sur le féminin comporte à la fois une dimension matérielle et
symbolique. Donc, il y a toute une structure où le premier possède et contrôle
les moyens de production matériels et symboliques où chacun des sexes
intériorise les principes et pouvoir d’agir qu’il extériorise par la suite. Il
y a par conséquent un habitus masculin et un habitus féminin, ainsi entendu
comme une sorte de prédisposition de corps et d’esprit (Bourdieu, [1998] 2002).
Ce qui nous laisse comprendre les propos des féminins qui réclament leur
situation de dominé et des masculins qui sont dominés de leur propre domination.
Il faut en ce sens des travaux d’analyses du discours à propos de ces situations,
comme : Se mwen ki gason, se mwen ki pote pantalon an, Se mwen ki fanm fok mwen fè kite pou marim,...
A cet effet,
cette domination ne peut être comprise et troublée du jour au lendemain par
quelques simples discours éloquents, réformes dans certains domaines de la
vie sociale, comme il s’agit pour la question de quota dans l’administration
publique, mais par une sociologie politique des sexes décelant les termes et
les mécanismes de la domination.
Somme toute, nous
avons tenté de montrer les termes de la domination du masculin sur le féminin
et objecté d’un revers de main le point de vue des féministes partisans de
l’émancipation sexuelle.
C’était déjà l’idéal de la révolution débutée en 1791 : antiraciste, antiségrégationniste et antiesclavagiste. Nonobstant, la société patauge dans toute sorte d’inégalité. Ainsi, nous ressassons avec Price Mars que : « la révolution haïtienne a besoin d’une autre révolution ».
Richardson Dorsaint,
Étudiant en Administration Publique/INAGHEI
Étudiant en Administration Publique/INAGHEI
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